DESCARTES : CHANGER SES DÉSIRS, NON L'ORDRE DU MONDE
Quelle sagesse adopter, face aux désirs ? Dans sa "morale provisoire", Descartes
s'inspire, en la nuançant, de la morale stoïcienne : l'idéal que vise le Sage est de ne désirer
jamais que ce qu'il possède, afin d'être aussi heureux qu'il est possible.
« Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune,
et à changer mes désirs que l'ordre du monde ; et généralement de m'accoutumer
à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées, en
sorte qu'après que nous avons fait notre mieux touchant les choses qui nous sont
extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est au regard de nous absolument
impossible. Et ceci seul me semblait être suffisant pour m'empêcher de rien
désirer à l'avenir que je n'acquisse, et ainsi pour me rendre content : car notre
volonté ne se portant naturellement à désirer que les choses que notre entende-
ment lui représente en quelque façon comme possibles, il est certain que si nous
considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également éloignés de
notre pouvoir, nous n'aurons pas plus de regret de manquer de ceux qui semblent
être dus à notre naissance, lorsque nous en serons privés sans notre faute, que
nous avons de ne posséder pas les royaumes de la Chine ou de Mexique ; et que
faisant, comme on dit, de nécessité vertu, nous ne désirerons pas davantage d'être
sains étant malades, ou d'être libres étant en prison, que nous faisons maintenant
d'avoir des corps d'une matière aussi peu corruptible que les diamants, ou des
ailes pour voler comme les oiseaux. »
DESCARTES, Discours de la méthode